UN VIRAGE PROFESSIONNEL QUI PREND TOUT SON SENS
TÉMOIGNAGE COVID-19
UNE LETTRE SIGNÉE ERIC CARUFEL, PROPRIÉTAIRE DE VILLA ST-FRANÇOIS ET RÉSIDENCE LE PIGNON
Cinq ans déjà : le moment où ma vie professionnelle prenait un virage inattendu. Cinq ans déjà où, une nuit, je trouvais ma nouvelle destinée.
Cette nuit-là, j’ai trouvé une résidence pour personnes âgées à vendre. Il n’en fallait pas plus pour que je fasse le saut. C’est donc avec le désir de « prendre soin » que je devenais propriétaire d’une résidence privée pour aînés, une RPA. Un an plus tard, je trouve une deuxième résidence où je pourrai, là aussi, « prendre soin ».
Aujourd’hui, au cœur de la pandémie, je pourrais vous dire que je suis épuisé, vous raconter les épiceries en série faites à 6 h 30 le matin pour éviter les files et la cohue, la quête infinie des outils de protection, l’accompagnement du personnel dans tous les changements de procédures, les nuits où le téléphone sonne et où on doit se rendre à toute vitesse, les rapports quotidiens aux autorités…
Mais non, aujourd’hui, j’ai envie de vous raconter le beau côté des choses, parce que vivre la pandémie de l’intérieur donne le vrai sens à mon désir du début.
Accompagner quotidiennement ces grands-parents obligés de se distancier de leur famille, leur donner le meilleur de nous-mêmes à tous les points de vue, leur permettre de vivre une réclusion dorée sans trop de heurts ; c’est ça, « prendre soin ».
À bien y réfléchir, « prendre soin » va plus loin que le quotidien avec les grands-parents ; il y a aussi les familles. Nous devons les informer sans les inquiéter, et ce, du mieux que l’on peut ; nous devons les rassurer, ouvrir de nouveaux canaux de communication. Essuyer les yeux humides des grands-parents qui discutent en direct avec leurs enfants pour la première fois par vidéo. Pour eux, ça fait partie du miracle de se parler en se voyant dans la petite télé, mais pour nous, être témoin de ces beaux moments d’émotion, ça fait partie de la tendresse au jour le jour.
Avoir accès aux émotions et aux histoires qu’ils avaient l’habitude de garder pour leurs enfants est un privilège. Sans s’en apercevoir, les grands-parents nous ont fait une plus grande place dans leur cœur ; à nous de cultiver ces trésors d’intimité, à nous de les guider dans leurs moments d’inquiétude et de tristesse, à nous de les aimer, à nous d’en « prendre soin ».
Certes, cette pandémie nous apporte son lot de consignes et de règles. Nous devons collaborer avec tous les partenaires, nous devons rendre des comptes.
Mais surtout, nous devons être rigoureux pour protéger nos aînés, leur permettre de vivre cette parenthèse de vie inédite sans tracas.
À bien y penser, jamais je n’ai regretté ce changement professionnel. Le désir que j’avais manifesté à ma compagne de vie, je le vis au quotidien. Les derniers mois sont ceux où je peux, tous les jours, avec très grande satisfaction, « prendre soin ».
PHOTO JEAN-FRANCOIS BADIAS, ASSOCIATED PRESS
On parle de nous...
En mars 2018, le magazine du Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA) L’Adresse publiait un reportage sur nos résidences !